5 septembre 2016 - 01h49
DANS UNE CHAMBRE DE LA MAISON CLOSE
Une chape noire de nuit enveloppait Beta, la rendant encore plus sombre qu’à son habitude. Les murs épais de la vieille maison close les protégeaient en partie du bruit de la cité. Ils se tenaient là, étendus de chaque côté du lit, encore haletant et nus comme des vers. Scarlett avait toujours trouvé un goût étrange à ce moment là, cet éphémère instant après le coït. Le temps semblait s’écouler ponctuellement différemment, comme caressant les limites physiques des corps, glissant sur eux comme l’eau sur des pierres. Peu importe le client, ça se produisait toujours. Une brève pause dans l’instant.
Et finalement la réalité et le présent venaient faire voler en éclat cette escapade temporelle. Ca ne leur avait pris qu’une seconde. Scarlett fit glisser ses longues jambes le long du lit, pour se redresser et s’asseoir. La lumière chaude et tamisée de la pièce faisait danser des ombres malignes sur son dos. Le mobilier était basique sans que la chambre ne paraisse vide. Sa petite taille la rendait peut-être un peu oppressante quoique chaleureuse. Un bref coup d’oeil à l’horloge trônant au dessus de la porte de la chambre lui apprit que le forfait de son client se terminerait dans quelques minutes. Elle entreprit de simplement se rhabiller.
Ce client là, elle ne le rangeait pas dans la catégorie des pervers. Elle ne le rangeait pas non plus dans la catégorie des sentimentaux timides. Rien de tout ça ; il dégageait quelque chose de plus primitif, une sorte de détachement froid, presque comme… un remord. La catégorie des mystérieux-torturés à la limite. Et pas très loquace jusque là. A côté de ça, il la traitait avec un respect significatif ce qui en faisait un client plutôt respectable, et agréable s’il y en a. En trois semaines, c’était la septième fois qu’elle le voyait si sa mémoire était bonne. Il semblait y avoir pris goût.
C’est que les services fournis doivent être à la hauteur des attentes aussi.
Elle avait attrapé son bustier de soie rouge et entreprit de l’enfiler. C’était une pièce élégante censée ne dévoiler que le nécessaire de sa propriétaire, sensuel sans être éminemment vulgaire. Alors qu’elle boutonnait les petits fermoirs, emprisonnant sa généreuse poitrine, elle pivota sur sa droite et tourna la tête vers son client. Elle laissa échapper ses cheveux qui, à leur tour, révélèrent sa nuque. Comme une invitation.
Mmh.. Ca fait plusieurs fois que tu requiers mes services et… -elle leva un sourcil- je sais rien sur toi en fait.
Puis, faussement solennelle :
Qui êtes-vous donc monsieur “Wallace” et que faites-vous par ici, dans notre paisible quartier ?
Sa voix était enjôleuse et taquine comme son sourire, mais basse presque comme une confidence. C’était sa manière de proposer un échange, assez ouverte pour permettre aux plus loquaces d’y trouver leur compte, pas assez directe pour ne pas froisser les plus bourrus. Elle essayait toujours d'en apprendre plus sur ses clients, des fois que certains fassent des recrues intéressantes pour le gang ou possèdent quelque information utile.