Chaos
Beta, fin d'après midi.
"T'es méta ?" me lançait le videur, à peine la porte franchie. Vu ma taille, ma gueule et mon blouson noir, je faisais beaucoup trop Hells Angels suprématiste blanc perdu dans une fête multiculturelle de gauchistes. Mon scooter rose garé à l'arrache à l'entrée ajoutait une touche de féminisme, supposée redorer mon triste tableau. A sa demande, insistante, je laisse sortir le Dieu des Cendres. Je plonge alors mon regard dans ses pauvres prunelles tremblantes. "Est ce que ça te va ? Assez meta pour toi ?" Je n'en fais pas plus, au risque de lui laisser le temps de réaliser que je n'avais rien de plus qu'une grande gueule. La réponse, de toute façon, me semblait déjà claire. Je laisse le Dieu s'éteindre comme un vieux brasier, laissant ses cendres fumer comme l'empreinte de sa puissance révolue, et fait mon entrée dans ce lieu de débauche que j'avais hâte de découvrir.
Le bar était plein à craquer. Comme ces putains de boites de sardines du centre ville de Liberty blindées de fils de riche, veste de costume qui valent cinq fois le salaire mensuel des habitants de Beta, chemise ouverte, et champagne à la main. Ils n'avaient rien compris au sens d'une vraie fête... Ici, la clientèle avait au moins le mérite de coller à la couleur locale de Beta. Mieux encore, il paraissait que les métas - comme le prouvait l’accueil à l'entrée - étaient les bienvenus. Enfin quelque chose qui me ressemblait. Sans trop laisser toute la variété de la clientèle méta-humaine me divertir, je scrute la salle, à la recherche de Billy Job, alias Blowjob. Le mec - qui assumait son surnom depuis toujours - m'avait filé des tuyaux d'enfer. Parmi eux, deux braquages ratés, et le plan "bicrave" avec Dull Jack qui s'était soldé par la mort de mon meilleur ami. Il n'avait rien à voir dans l'histoire, mais il m'en devait une. Je devais me refaire, et étais prêt à tout. En fin de compte, il ne me suffisait que d'un seul bon plan, que ce soit de la coke coupée à la lessive ou de la MDMA coupée au sel. Quoi ?! Vous ne l'avez jamais fait ? J'ai acheté mes premières doses sur le darknet, et c'était bien plus rentable de distribuer les doses comme ça. Dans une rave, les putains de camés se rendent compte de rien. Pire ! Ils te remercient pour la défonce. Mais pas de trace de ce putain de rat. Rien à foutre. J'allais trouver un coin, me poser, et insulter Vicious dans des sexto bien crades pour passer le temps.
Mais soudain, mon regard se porte sur un type, seul, avec face à lui la seule place disponible de toute le bar. Lui causer serait surement plus intéressant que de plonger en solo dans mon smartphone. Pronto, je me dirige vers lui, avant qu'un petit type ivre me coupe la route pour tenter de prendre le siège. "Hey." Ma voix est sèche. Stricte. "Quoi ?" il se retourne, l'air complètement hagard. Ses petits yeux noirs sont injectés de sang. Il a pris sa dope ici ou quoi ? "Tu dégages. C'est ma place." Je suis directif. A ce moment là, n'importe qui aurait imaginé que la situation dégénère en baston. C'est parce que les gens sous estiment le pouvoir de l'intimidation, et la faiblesse de la grande majorité des humains : tout le monde préfère éviter les conflits. Il fait la moue, baragouine quelques remarques, interjections inutiles, avant de se rediriger dans l'ombre d'où il était sorti.
"Hey ! On s'connait ?" Dis-jen, en m'adressant à celui qui était déjà assis. J'aimais briser la glace avec les mêmes pick-up lines que celles que je réservais aux nanas. En plus, il était torse nu, tatoué, pas très beau gosse mais assez canon dans son genre. "Non, sérieux, j'm'assois là." Putain, où sont mes manières ? Le mec était même pas défoncé. C'était pas très respectueux. J'ajoute alors, avec un large sourire carnassier "Si ca te dérange pas ?"