Avec Beta, je connaissais déjà
l'Enfer
Tout ce qui m'entourait était désespoir, solitude, et flammes.
Les cris de suppliants venaient s'élever dans le ciel, avant d'être étouffés par le bruit assourdissant de flammes qui avaient pris la place des cieux.
Mes yeux se plissent sous l'éclat de la lumière, alors que je réalise que je suis nu. Qu'est ce que je foutais bite à l'air dans un paysage d'Apocalypse ? Et surtout, où sont les putains de balles que Dull Jack venait de m'envoyer à bout portant après avoir laissé Lester me tabasser à mort ?
Soudainement, une voix vient infiltrer mon esprit. Pas la belle télépathie des films de science-fiction, caressant votre psyché délicatement; mais un putain de viol psychique qui me força à me tenir la tête entre les mains, crisper mes doigts soumis à la douleur et au besoin fondamental de résister à l'insupportable intrusion. La voix est grave, caverneuse, et surtout multiple. Comme si une légion entière me parlait dans une parfaite synchronisation.
- Ton ancienne vie est terminée. Tu as deux choix : laisser ton corps se putréfier, et ton âme disparaître dans le Lac de Feu... Ou renaître en assumant le potentiel que tu n'as jamais eu le temps d'exploiter.
- Mon potentiel ? De quoi ? Les braquage ratés, les...
Je me tus, porté par un sentiment, une réalisation. Je sentais les flammes m'investir, et comprenait que ces rêves, depuis janvier, étaient des tentatives désespérées menées par mon inconscient pour me faire comprendre que j'étais parmi eux : j'étais un méta. Je savais que les pouvoirs méta-humains s'étaient éveillés depuis le début de l'année, mais que certains réalisaient tardivement leur potentiel. J'avais attendu de crever pour éveiller le mien. Quelques secondes s'écoulent, avant que je ne reprenne la conversation avec moi même, comme un psychopathe perdu dans un champ de mort.
- Et c'est quoi, le deal ?
- Ton âme...
Je le coupe d'un ton blasé - Évidemment
A lui de reprendre : ... Qui est de toute façon déjà perdue et n'aura pas de meilleur sort que celui-ci : tu seras mort dans quelques secondes. C'est le moment idéal pour pouvoir conclure un marché. Ouais. J'étais certainement entrain d'agoniser sur le dock où Lester nous avait balancé. Criblé de balles, avec mes plus précieux alliés.
- Le genre d'offre qu'on ne peut refuser, bagger.
- Tu peux refuser... Mais tu deviendras inutile. Toutes tes actions passées s'effaceront. Ton corps ira s'enfoncer et pourrir au fond de la côte de Libertytown, et ton pouvoir de flammes s'éteindra à jamais.
- Et si j'dis oui. On fait quoi ?
- Tu nous servira. Me servira.
- Te servir ? Et t'es qui, d'ailleurs.
- Tes oreilles ne sont pas encore dignes d'entendre mon véritable nom : je suis le Seigneur de la Destruction, Grand Seigneur de la Terreur.
- Et qu'est ce que je devrai faire pour ... ce Seigneur ? Dis-je, sourire naissant sur le coin de mes lèvres. J'étais baisé. Comme si j'avais envie de disparaître. Comme si n'importe qui accepterai de disparaître, et au nom de quoi ? D'une âme de criminel ? Je ne croyais pas en Dieu. Je ne croyais en rien. Et face au Diable, je n'avais absolument rien à faire de mon âme. Même face à lui, et à l'évidence, je ne croyais d'ailleurs toujours pas en Dieu.
- Répandre sur cette ville Destruction et Terreur grâce au fragment de pouvoir que je te confierai.
- Tu ferais de moi un pion dans ton échiquier ? Genre y'a un conflit entre toi et le vieux barbu là haut, et Liberty Town serait votre terrain de jeu ? Y'en a combien d'autres, comme moi ?
- Tu comprends vite, de la même manière que tu comprendras bien vite ce que j'attends de toi. N'ai crainte, rien de ce que tu feras n'iras à l'encontre de ta morale qui est d'ailleurs la seule raison qui me permet de te parler directement...
Il s'interrompt, me laissant un court instant de répit face à moi même.
- Alors, acceptes tu devenir le Héraut des Cendres ? Avec moi, tu seras un Dieu parmi les hommes.
Il n'avait pas tort. Les coups de pressions sur les pauvres commerçants, coups et blessures, mes gardes à vue. La vente de dope, sa consommation, les violences gratuites, les révoltes infondées. Toute ma vie était un océan de déchéance qui n'aurait dû mener ailleurs qu'ici. Il y avait bien pire que moi, c'est évident. Je n'étais qu'une raclure de Beta comme il y en a des millions. Mais j'avais finalement quelque chose de plus que les autres raclures : j'étais porteur d'un pouvoir endormi qui ne demandait qu'à se manifester au grand jour. Hors de question de mourir sans avoir pu me venger de Jack. De Lester. De la LTPD. Du gouvernement de Turene, de celui d'avant, de celui d'après.
De me venger du gouvernement qui n'a su nous donner une place, des politiciens et de leurs intrigues, des marchands, des beaufs, des bourges, des banquiers, des stars du showbiz, des catholiques, des musulmans, des protestants, des juifs, et de la Terre entière s'il le fallait ! Tous ceux qui la peuplaient n'étaient que des larves soumises à leurs désirs primaires, et j'étais enfin parvenu à me sortir de cette masse informe. Il était hors de question que mon ascension s'arrête à cause de l'ambition d'un fils de pute et de sa brute sans cervelle... Je valais bien mieux que ça.
Le poing fermé, mes dents grincent, la mâchoire serrée se transformant en sourire nerveux.
Mais je suis décidé. J'étais prêt.
J'étais déjà prêt avant même de me prendre ces balles de 9mm dans le torse.
Mais je suis décidé. J'étais prêt.
J'étais déjà prêt avant même de me prendre ces balles de 9mm dans le torse.
Ma voix résonne, assez pour que tous les enfers m'entendent : - Quand est-ce qu'on commence, enculé ?!
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