Alors nous sèmerons les graines du
Chaos
Après ma brève entrevue avec le petit Jiao Wu, les rues étaient toujours désertes. Parfait : sans témoin, je laisse mon alter-ego quitter ma conscience pour retourner s'enfouir dans les tréfonds de mes entrailles, et y garder la place qui lui revenait de droit.
Me voila songeur : jusqu'où pourrait s'étendre le potentiel d'une faction de métas voués à ma cause, le renversement de la société humaine ? Un garçon capable de repousser par la pensée, une femme capable de guérir les blessures les plus sévères, et Vicious, qui pouvait parfaitement contrôler son corps. Qui sait qui se cachait encore dans les ruelles de la ville, en quête d'un guide capable de lui offrir une Révélation comme celle que j'ai reçu ? Beaucoup trop, j'en suis certain. Peut être même qu'un autre groupe avait déjà commencé le recrutement et se cachait dans l'ombre.
Perdu dans mes pensées, qui passèrent d'une paire de fesse croisée dans la matinée à la loi Turenne qui torturait mes nuits, je repasse inconsciemment par la même ruelle qu'a mon arrivée. Logique, le lieu était familier. Mais mon attention se porta ensuite sur une patrouille de police, trois agents en uniforme, penchés sur la carcasse de ce même scooter rose que je venais de "déposer" avant de perdre du temps à aider ce petit gamin.
Le hasard fait bien les choses, hein ?
Et voila qu'ils regardent dans ma direction : "Grand, Brun, une mèche blanche et un manteau de cuir noir : ça colle au signalement. Ouais, on l'tape on l'tape." Vocifèrent-ils. Une musique excitante - tambours de guerre galvanisants - doit sonner dans leurs têtes, alors qu'ils sprintent dans ma direction.
Mes anciens réflexes me poussent à vouloir prendre la fuite. Mes nouveaux à activer la bête et les faire brûler dans les flammes de l'enfer. Mais il fallait un peu de bon sens dans certaines situation : leurs armes étaient sorties, et je n'était pas du tout capable d'y faire face. Et puis... J'ai l'habitude des arrestations, et eux aussi.
Ils se précipitent sur moi, alors que je me met aussitôt sur le sol, les mains sur la tête. Ca évitera qu'ils me mettent des coups de matraque sur le crâne : heureusement que ma vieille gueule d'anglais allais rendre l'expérience moins douloureuse. Imaginez si j'étais un noir américain ? Brrrr. Je frissonne, alors que leurs mains me palpent le corps en quête d'armes, drogues, et autres petites joyeusetés qu'ils pourraient embarquer. Vraiment ? Ils me prennent pour un amateur ?
"Alors James, encore entrain de foutre la merde ? Lance une voix familière en retrait. L'Inspecteur Kerrigan, trente années de maison dont vingt cinq à Beta, voulait assister à l'arrestation la plus facile de l'année.
"Putain. Ca fait cinq fois que j'te vois depuis le début de l'année." Lui dis-je, tête contre le sol, genoux d'un agent contrôlant ma nuque de la façon la moins réglementaire et agréable possible. "Sans compter ces nuits où je rêve de toi, bien sûr."
"Si seulement on pouvait arrêter de se voir..." rétorque t'il , blasé, l'air moqueur.
"Mais j'ai rien fait cette fois ! Je faisais preuve d'un certain panache. Oui, je venais de sortir d'une rue où trois corps gisaient encore, à moitié mort, et avait pris une autre rue où je venais de brûler un véhicule volé. J'avais fait mieux, plus moral, je l'avoue.
Arrête, s'il te plait. On a un flagrant délit. T'as quoi... vingt cinq ans?
Vingt Sept mon chou. Vingt-sept.
Tu te rapproches des 30 ans et tu agis encore comme un gosse de Beta."
Touché. A mon age, on était déjà bien ancré dans un gang ou rangé dans le civil. Pas à la marge de tout tel que je l'étais. Chez les Delta, ca n'avait pas marché. En solo, encore moins. Les braquo ne m'avaient apporté que des emmerde : à croire que le crime n'était pas un talent familial.
Ils me redressent, menottes aux poignets, et il était évident que j'allais devoir de gré ou de force rejoindre leur voiture. Sans surprise, ils m'y enfournent comme une pizza dans un four, et commencent à signaler l'arrestation. J'entends le Commissariat de Gamma, près de la Gare Lafayette. Un grand lieu où sont réunis tous les rebuts de la société, pas assez dangereux pour être envoyés à Sinner Island, mais trop dangereux pour être laissés dans les rues. Une bonne vieille G.A.V. ? Ou prévoient ils la maison d'arrêt ? Je n'avais encore rien eu le temps de faire depuis ma sorte, et je venais à peine d'acquérir mes pouvoirs : hors de question de faire encore du temps derrière les barreaux pour un putain de scooter volé.
On a préparé ta cellule, James. Me lance l'inspecteur, accoudé à la vitre ouverte du véhicule. Il fait signe aux agents de circuler tout en ajoutant :
J'espère que tu en prendras pour du ferme, ca nous éviteras de te recroiser."
Ça me briserai presque le cœur...